L'encyclopédie, Diderot et d'Alembert,
1ère édition 1751
La superstition est à la
religion ce que l'astrologie est à l'astronomie, la fille très folle d'une mère
très sage. - Voltaire
Voici notre second
exemple, celui de l'Encyclopédie de Diderot. Nous avons choisi de traiter
les articles concernant les sorcières et la sorcellerie. Mais d'abord, faisons
un petit point, qui nous semble crucial: qui est Diderot et qu'est-ce que
l'Encyclopédie?
Pour commencer, Denis
Diderot est né le 5 octobre 1713 à Langres et est mort le 31 juillet 1784 à Paris.
C’était un écrivain, philosophe et encyclopédiste français. Il fait parti du
mouvement des Lumières. Il
laisse son empreinte dans l'histoire de tous les genres littéraires auxquels il
s'est essayé : il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, révolutionne le roman avec Jacques le Fataliste, invente la critique à travers ses Salons et supervise la rédaction d'un des ouvrages
les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie.
Portrait de Diderot |
Ensuite,
l’Encyclopédie ou
Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers
est un ouvrage
où l’on traite de toutes les connaissances humaines dans un ordre alphabétique
ou méthodique. C’est aussi la toute première encyclopédie française, ce qui
représente une réelle avancée. Le premier volume est paru le 1er
juillet 1751 et dix volumes seront publiés au cours du XVIIIè siècle. Les
auteurs principaux de ces ouvrages sont Diderot et d’Alembert, bien que de
nombreux autres encyclopédistes des Lumières y ai pris part.
Première de couverture de l'Encyclopédie |
Les Lumières : Les Lumières sont
un mouvement intellectuel européen du XVIIIème siècle (1715-1789). Ce mouvement
met en avant les connaissances afin de dépasser ce qu’ils appellent
l’Obscurantisme.
Obscurantisme : Opposition à la diffusion de l’instruction, de la
culture, au progrès des sciences, à la raison, en particulier dans le peuple
· Contexte
historique fin 18ème siècle
Le XVIIIème
siècle est le siècle des Lumières et des Guerres, un changement radical est
visible en France. Tout d’abord la France, sous le règne de Louis XV, est touchée
par la famine et des guerres comme l’Autriche et la France pendant la guerre de
succession (1740-1748) ainsi que la France et l’Angleterre durant la guerre de
Sept ans à cause des rivalités coloniales, l’Angleterre se fait ensuite aider
par la Prusse (1756-1763). Le peuple est de plus en plus en proie à revendiquer
de manière massive et agressive, l’opinion publique est à l’accru avec les
lieux de débat. Une hiérarchisation se créer : les nobles, les
ecclésiastiques, les roturiers et marchands et manufacturiers. La France subit
alors une fracture sociale et une rébellion durant ce siècle mais on constate
aussi la présence considérable des Lumières ; de nombreuses Académies
ouvrent durant cette période. Pour vous donnez une idée : en Province, il
y a neuf académies en 1710 contre 35 en 1789. Les Lumières sont marquées
surtout par l’apparition de l’Encyclopédie
qui
se situe dans un contexte de renouvellement complet des connaissances comme par
exemple la représentation du monde communément admise au
Moyen Âge a été progressivement
remise en cause par l'émergence au XVIe siècle du modèle héliocentrique de Copernic défendu au XVIIe siècle par Galilée à la suite de ses
expérimentations avec sa fameuse lunette astronomique (1609). Les théories de Newton furent diffusées dans les années 1720 -
1730 par Maupertuis hors d'Angleterre,
puis par Voltaire en France.
La nouvelle science
astronomique nécessitait des expérimentations et un formalisme mathématique qui
étaient étrangers à la méthode scolastique encore en vigueur dans les universités.
L'astronomie avait besoin du secours des mathématiques et de la mécanique pour
sa théorisation. À terme, la plupart des sciences étaient touchées par ce
changement, que le philosophe des sciences Thomas Kuhn appela une révolution scientifique. On peut voir avec
ces exemples que l’Encyclopédie comme les Lumières ont causé des débats mais
aussi des changements et une évolution, les universités seront de plus en plus
côtoyées.
L'immense travail
entrepris par l'équipe des encyclopédistes sera
expliqué par d’Alembert dans le Discours
préliminaire de l'Encyclopédie. Il critiqua sévèrement les abus de l'autorité
spirituelle dans la condamnation de Galilée par l'Inquisition en 1633 en ces termes :
« Un tribunal (...) condamna un célèbre astronome pour avoir
soutenu le mouvement de la terre, et le déclara hérétique (...). C'est ainsi
que l'abus de l'autorité spirituelle réunie à la temporelle forçait la raison
au silence ; et peu s'en fallut qu'on ne défendit au genre humain de
penser. »
L'encyclopédie fournit
une compilation des connaissances de l'époque dont la cohérence était obtenue
par la riche documentation des articles d'astronomie, et les renvois vers des
articles de différentes disciplines. De telles connaissances étaient difficiles
à transmettre comme à être acceptées.
Passons à présent aux deux
définitions que nous avons choisi d’étudier, à savoir : la définition de
« Sorciers et Sorcières » dans un premier temps et dans un second
temps, la définition de « Sorcellerie »
Définition "Sorciers et Sorcières", L'encyclopédie,Diderot et d'Alembert, 1ère édition 1751 (tome 15, pages 369-372) Texte entier, cliquez ici.
(Vous pouvez retrouver des informations
sur les noms en gras à la fin de cette étude.)
Dans cette première
définition, Diderot rédige la définition des Sorciers et Sorcières en plusieurs
parties successives. Nous allons résumer en quelques phrases les paragraphes et
les commenter quand besoin est. Dès la première phrase, il donne une définition
courte et concise de ces êtres magiques et d’un même fait, prend
automatiquement position. Il dit : « hommes & femmes qu’on
prétend s’être livrés au démon, & avoir fait un pacte avec lui pour opéré
par son secours des prodiges & des maléfices. », Diderot donne ici une
première opinion des sorcières à l’aide du verbe «prétendre » qui montre
qu’il n’y croit pas, que ce n’est pas un fait vérifié.
Suite à cette phrase, Diderot rédige un premier
paragraphe sur l’origine des sorcières et des autres noms qui lui sont donnés
dans d’autres religions, par exemple les Grecs les appelaient goétiques.
Le paragraphe suivant nous paraît plus
intéressant ; l’auteur commence par dire : « Les anciens ne
paroissent pas avoir révoqué en doute l’existence des sorciers », et
continue en disant qu’il « paroit difficile de recuser le témoignage de
plusieurs historiens d’ailleurs véridiques ». Mais c’est la dernière
phrase qui soulève un point important : « D’ailleurs pourquoi tant de
lois sévères de la part du sénat & des empereurs contre les magiciens si ce
n’eussent été que des imposteurs & des charlatans propres tout au plus à
duper la multitude, mais incapables de causer aucun mal réel &
physique ? », en d’autres termes, pourquoi y aurait-il des lois aussi
dures à l’encontre des sorcières si celles-ci n’étaient pas réelles ou
n’étaient que des usurpatrices.
Dans les paragraphes quatre et cinq, Diderot cite les
différentes références aux sorcières dans les textes sacrés. Cela se poursuit
dans le sixième paragraphe bien qu’il y ait une nuance et qu’il finisse par
parler des jurisconsultes et théologiens anglais et en particulier Vossius qui « remarque que ceux
qui ne sauroient se persuader que les esprits entretiennent aucun commerce avec
les hommes, ou n’ont lu les saintes Écritures que fort négligemment, ou,
quoiqu’ils se déguisent, en méprisent l’autorité. »
Ce n’est que dans le paragraphe sept, que Diderot
parle explicitement de la raison. Il dit que si on admet l’existence des
sorcières, il faudrait alors admettre l’existence de d’autres faits surnaturels
et donc que tous ces faits ne sont pas forcément l’œuvre de Dieu. Cependant, il
exprime le fait qu’on peut croire à des interventions magiques, mais qu’il ne
faut pas en abuser et croire à tout et n’importe quoi et finit sur cette
phrase : « Examiner & peser les faits, avant que d’y accorder sa
confiance, c’est le milieu qui indique la raison. ».
Des paragraphes huit à onze, Diderot cite Malbranche qui dénonce les
« rêveries » des démonographes ainsi que l’existence de vrais
sorciers et des sorciers par imagination. Il explique que le problème, c’est
que personne ne fait la différence entre ces deux types de sorciers et que, de
ce fait, on brûle beaucoup trop de personnes ce qui ne fait que fortifier les
croyances des gens concernant les sorcières. Il insiste aussi sur le fait que
les sorciers par imagination sont en beaucoup plus grand nombre que les vrais
sorciers et qu’en « punissant indifféremment tous ces criminels, la
persuasion commune se fortifie, les sorciers par imagination se multiplient,
& ainsi une infinité de gens se perdent et se damnent. »
Nous passerons rapidement les paragraphes douze,
treize et quatorze où Diderot cite Monstrelet qui lui-même parle de différentes
affaires ayant eu lieu concernant des sorcières. Les paragraphes quinze et
seize, sont, pour nous, plus intéressants car ils évoquent Jean Bodin, qui est
notre premier exemple pour ce TPE sur les sorcières. Le paragraphe seize évoque
le cas du sorcier nommé Trois-Échelles, qui fut exécuté en 1571, pour avoir eu
commerce avec les mauvais démons. Afin de se faire gracier, le sorcier accusa
d’autres sorciers et sorcières, au nombre de « douze-cent » selon Mézerai. Mézerai dénonce les
démonographes qui voient le diable et les sorciers/sorcières partout. Bien sûr
comme le dit Diderot « L’auteur que Mézerai ne nomme point, mais qu’il
désigne comme un démonographe, c’est Bodin. »
Effectivement, Jean Bodin parle dans son ouvrage de
plus de trois cents mille sorciers en France, ce qui est un nombre qui, aux
yeux de Mézerai est très prodigieux. Pour en revenir au sorcier Trois-Échelles,
les personnes qu’ils avaient citées s’avérèrent n’être rien d’autre que de
simples mortels, les poursuites et la délation furent arrêtées et c’est ce dont
se plaint Bodin tandis que Bayle, à l’opposé, approuve la suppression de cette
délation.
Dans les paragraphes suivants (dix-sept, dix-huit,
dix-neuf, vingt et vingt et un), Diderot enrichi ses propos par de nombreux
exemples de procès et de faits magiques qui se sont déroulés.
Pour finir dans le vingt-deuxième et dernier
paragraphe, Diderot soulève un dernier point. Il s’étonne que des personnes
soient disant sorciers ou sorcières, avec les nombreux pouvoirs auxquels ils
ont accès, n’aient jamais essayer de faire de mal à leurs accusateurs et leurs
juges. Diderot dit : « Car on ne donne aucune raison
satisfaisante de la cessation de ce pouvoir dès qu’ils sont entre les mains de
la justice. »
Finalement, de nombreuses thèses sont évoquées dans ce texte et Diderot, en bon philosophe des Lumières, prône la raison et n'exclue aucune possibilité en examinant et pesant les différents faits.
Finalement, de nombreuses thèses sont évoquées dans ce texte et Diderot, en bon philosophe des Lumières, prône la raison et n'exclue aucune possibilité en examinant et pesant les différents faits.
Isaac Vossius: Érudit et bibliophile néerlandais du XVII ème siècle, ayant résidé en Angleterre. Fils du théologien Gérard Vossius.
Nicolas Malbranche: Philosophe, prêtre oratorien et théologien français du XVII ème siècle, considéré comme un cartésien.
Définition "Sorcellerie", l'Encyclopédie, Diderot et d'Alembert, 1ère édition 1751 (tome 15, pages 368-369) Texte entier, cliquez ici.
Dans la définition de SORCELLERIE, nous pouvons
retrouver des aspects qui démontrent le changement radical de penser et de
mentalité durant ce siècle. Diderot illustre le mot Sorcellerie par des
exemples historiques tel que la maladie de Charles VI.
Dès la première phrase Diderot explique ce qu’est la
sorcellerie : opération magique,
honteuse ou ridicule, attribuée stupidement par la superstition, à l’invocation
& au pouvoir des démons. Les mots employés sont péjoratifs et nous
dévoilent immédiatement son opinion envers la sorcellerie comme les sorcières. Il enrichit son avis en écrivant « Une malheureuse devineresse, &
un prêtre imbécile ou scélérat qui se disoit sorcier, furent brûlés vifs pour
cette prétendue conspiration. » dans une troisième partie.
Ensuite il communique dans un paragraphe que les
personnes qui parlent de sortilèges et de maléfices sont ceux qui viennent de
pays et de temps d’ignorance donc sans savoir. C’est de là que l’on interprète
la raison dans le récit de Diderot. Dans
une cinquième partie de la définition Diderot parle du temps où la raison
naissante était présente en France grâce à la déclaration de Louis XIV où est
évoqué le fait que les personnes accusées de sorcellerie ne seront plus que des
profanateurs ou simplement des personnes utilisant le poison.
Malgré la raison se propageant en France, la peur de
la sorcellerie est encore présente comme on peut le justifier lorsque Diderot
aborde le pacte que les enfants de Voltaire ont fait : « Les enfants de (…) Voltaire, firent
alors entre eux une association par écrit, & se promirent un secours mutuel
contre ceux qui voudroient les faire périr par le secours de la
sorcellerie. » La menace est alimentée par les frustrations et
superstitions des personnes. Les accusations de sorcellerie sont fréquentes et
courantes. Cette opération magique
devient presque l’excuse ou la cause du bonheur des autres comme nous le montre
Diderot lorsqu’il évoque l’histoire de l’esclave affranchi de l’ancienne Rome
qui obtient une petite terre fertile que son maitre lui avait laissé. En
quelques mots, l’esclave affranchi avait attiré sur lui l’envie de ses voisins
qui l’avaient accusé de sorcellerie. L’esclave avait alors été condamné et tué
à tord. De par cette histoire raconté par Diderot, nous pourrions rajouter que
les accusations de sorcellerie sont apportées par rapport au rang social de la
personne menaçante ; aujourd’hui ce serait un acte de discrimination. Les
victimes ou menacés de sorcellerie sont le plus souvent des rois, duchesses ou
même prêtres, ce qui prouve alors la, supposée, jalousie de l’accusé. De plus,
Diderot évoque un philosophe du XVII siècle a qui une question a été posé sur
l’importance des sorciers dans le nord et la Peyrere répondit : parce que le bien de tous ces prétendus
sorciers que l’on fait mourir, est en partie confisqué au profit des juges.
On pourrait traduire cela comme le fait que les juges avaient en leur nom un
simple pouvoir et une raison qui faisait que les personnes voyaient forcément
les sorciers, accusés à tord ou non, comme des personnes faibles et à tuer. Ce
même pouvoir est prouvé dans l’histoire du romain qui fut tué à tord : « Les suffrages ne furent point
partagés ; il fut d’une commune voix »
Diderot émet aussi le fait que le magicien n’est pas
perçu de la même manière que le sorcier. Le magicien peut guérir tandis que le
sorcier est une menace. On peut mettre en parallèle la magie noir et blanche.
Diderot prône la raison avec cette définition par des
mots bruts en parlant de la sorcellerie et aborde l’importance qu’avait le rang
social de l’accusé ainsi que du pouvoir imminent des juges.
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